19 août 2005

La réprobation du meurtre des animaux dans l'opinion

D'après une étude(1) co-financée par le ministère de l'Agriculture, la réprobation du meurtre des animaux est déjà le fait d'une majorité de français pour la corrida et la chasse, et d'une minorité significative pour la viande :

L'idée qu'on puisse :
-tuer un animal au cours d’une corrida vous paraît normale
=> 88% pas d'accord(2)

-tuer un animal à la chasse vous paraît normale
=> 59% pas d'accord(2)

-acheter une volaille et l'abattre soi-même vous paraît normale :
=> 40% pas d'accord(2)

-tuer un animal à la pêche vous paraît normale :
=> 39% pas d'accord(2)

65% des personnes interrogées sont d'accord que « cela [les] dérangerait d'assister à l'abattage d'animaux ».

Il est normal que l'homme élève des animaux pour leur viande
=> 14% pas d'accord

La quasi-totalité des personnes qui ne sont pas d'accord qu'il est normal que l'homme élève des animaux pour leur viande, mangent elles-mêmes des animaux.

L'idée qu'on ne doit pas tuer un animal sans nécessité est suffisamment partagée dans l'opinion pour que le Code pénal (article R-655-1) l'interdise explicitement dans le cas des animaux "domestiques ou apprivoisés", c'est-à-dire en particulier dans le cas des animaux dans les élevages :
Section unique : Des atteintes volontaires à la vie d'un animal
Le fait, sans nécessité, publiquement ou non, de donner volontairement la mort à un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe.


L'affirmation « Il est normal que l'homme tue des animaux pour leur viande » (ou « Il est normal que l'homme tue des animaux pour les manger alors que cela n'est pas nécessaire pour vivre en bonne santé ») n'a pas été soumise. Il est vraisemblable qu'aujourd'hui déjà 14% au moins des personnes interrogées auraient exprimé leur désaccord.

Antoine Comiti

(1) « Le rapport à la viande chez le mangeur français contemporain », novembre 2004, consultable sur http://www.esc-toulouse.fr/m_pages.asp?page=480&menu=234
(2) Personnes se disant « plutôt pas d'accord » ou « pas d'accord du tout » parmi les 1.000 personnes interrogées.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

À propos de ces 14%: on peut être tenté de les minimiser, en notant que ces gens n'appliquent pas ce qu'ils disent, et que donc le nombre de gens qui réellement ne trouvent pas normal d'élever et tuer les animaux pour la viande serait bien moindre, serait de l'ordre de 2%, puisque tel est à peu près le nombre de végétariens.

Je pense au contraire que ce chiffre montre que le nombre de gens qui partagent réellement cette opinion est, en fait, bien supérieur à ces 14%.

Logiquement, nous devrions régler nos actes sur nos opinions; mais on sait bien que c'est très souvent le contraire qui se produit. Si je mange les animaux, je me sens tenté d'essayer de le justifier, d'affirmer qu'il est légitime de le faire.

Il a donc fallu un effort supplémentaire à ces personnes qui mangent les animaux pour dire qu'elles ne sont pas d'accord avec cette pratique. Elles n'avaient pas grand chose à gagner à affirmer leur opposition à l'élevage des animaux pour leur viande, à part se faire traiter d'hypocrites.

On peut gager que l'opinion selon laquelle l'élevage et l'abattage des animaux pour la viande n'est pas une pratique normale est en réalité beaucoup plus répandue dans la population que ne l'indique ce sondage. Pour des raisons sociales diverses, un grand nombre de ces personnes ne passent pas à l'acte; et parmi elles, beaucoup n'osent même pas exprimer, ou se formuler à elles-mêmes, cette opinion.

Et on peut ajouter à cela que tel est l'état de l'opinion à une époque où pratiquement aucune voix publique ne s'est encore élevée pour demander l'abolition de la viande...

Anonyme a dit…

C'est déjà un grand espoir de savoir ce que les gens pense concernant le bien-être animal.

Une enquête mondiale sur la réprobation du meutre des animaux dans l'opinion public serait bien utile .

La tâche est encore bien longue,mais on réussira ! Tout espoir n'est pas perdu.

Unknown a dit…

[Le commentaire ci-dessous est trop long. Pas l’énergie pour chercher la façon de condenser et de dégager plus clairement des conclusions]

Supposons que l’élevage ait été aboli et les abattoirs fermés il y a 5 ans et que l’on soumette à la population française un référendum «Voulez-vous que l’on recommence à élever et tuer des animaux pour leur viande ? »

Les résultats indiqués dans le sondage (les 65% et 14%) laissent penser que le camp du oui recevrait substantiellement moins de 98 ou 99% des voix (c’est à dire nettement moins que le pourcentage de résidents français qui actuellement mangent de la viande). Au moins une partie de ceux que l’idée de l’abattage met mal à l’aise, et a fortiori de ceux qui ne sont pas d’accord avec l’idée qu’il est normal d’élever des animaux pour leur viande, hésiteraient à participer par leur vote à la remise en route de la tuerie.

On a donc un certain pourcentage de résidents français carnivores qui font ce qu’ils n’estiment pas être bien.

Voici une hypothèse sur un des éléments pouvant contribuer à expliquer ce fait.

Selon Kant, la loi morale s’énonce ainsi : «Agis d'après une maxime telle que tu puisses toujours vouloir qu'elle soit une loi universelle». Si on n’est pas kantien, on estime que cet énoncé ne suffit pas à donner un contenu à la morale. Mais on peut néanmoins considérer qu’il est une condition nécessaire (sinon suffisante) pour être dans le cadre de la pensée morale. C’est ce que font la plupart des éthiques (dont la morale commune) : elles contiennent un principe d’universalité. En gros : « Agis de telle sorte que tu puisses vouloir que tout le monde fasse comme toi dans les mêmes circonstances ». Si ce principe est appliqué par tous, il a des effets assez merveilleux, dont celui de produire des comportements qui sont collectivement bons sans qu’il soit nécessaire de mettre en place des systèmes coûteux d’incitation, répression, ou de concertation entre les agents pour y parvenir.
Jeter un sac plastique dans la nature ? Pas grave, ça ne changera rien à la marche du monde (hypothèse : je suis seul à le faire). Mais si on a le réflexe de se demander «Voudrais-je que tous fassent comme moi ?», et d’agir en conséquence, on ne jettera pas le sac en plastique. Si on a tous le réflexe d’agir d’une manière que l’on voudrait universalisable, les terres et les océans ne seront pas jonchés de sacs.

Mais comment cela se passe-t-il quand il y a une contradiction forte entre le respect de l’impératif moral et le respect d’un principe de prudence ?

La loi morale dit : «Agis de telle sorte que tu puisses vouloir que tout le monde fasse comme toi dans les mêmes circonstances».

La prudence conseille «Agis comme tout le monde» (Plus exactement : «Agis en tenant compte de ce que font les autres»).

Exemple. Tout le monde peut avoir conscience que la vie économique se passe mieux si chacun respecte ses engagements (les contrats) et s’il n’y a pas de corruption. Les transactions deviennent très coûteuses quand personne ne se sent obligé de tenir parole et que les pots-de-vin sont généralisés (payer des espions pour savoir ce que les partenaires font réellement puisque leurs promesses ne valent rien, payer pour acheter des fonctionnaires…)
Mais vous habitez dans un pays où personne ne se sent engagé par ses promesses, où il n’y a pas moyen d’obtenir réparation quand un contrat est violé et où la corruption est généralisée. Il faudrait être fou pour être le seul à tenter de faire des affaires en tenant parole et sans soudoyer personne. Etre tout seul à obéirà l’impératif moral serait stupide et… immoral, au sens où ça n’apporterait aucun bien (la faillite personnelle + la confortation publique par l’exemple de l’idée qu’il faut tricher pour survivre).
Dans ce type de situation, même si chacun comprend qu’un autre système est souhaitable, il est très difficile de trouver le chemin pour y accéder.

Et pour la viande ? Ce n’est pas tout à fait aussi dramatique, mais il y a quelque chose de cet ordre.
Etre seul à ne pas manger les animaux n’améliore le sort d’aucun d’eux (un acheteur de moins ne change rien aux volumes produits sauf cas particulier).
Se démarquer des habitudes de consommation communes (et sortir de ses propres routines) a un coût qui, sans être terriblement élevé, n’en est pas moins réel.
Quelques uns le font, à l’aveugle, par répulsion pour le crime derrière la viande, quand bien même cela ne servirait à rien. Quand ils deviennent plusieurs, qu’ils ont conscience de l’existence les uns des autres, qu’un discours émerge pour dire le crime, ils devient plus facile de faire le saut, et possible de croire en son efficacité. Il y a une efficacité parce que c’est un groupe (même s’il n’est pas une organisation dans laquelle les gens se coordonnent entre eux) :
- la demande de viande commence à baisser suffisamment pour affecter le niveau de production,
- quand le refus de la viande devient une position affichée, il a certain effet d’exemplarité (montrer ce que tous devraient faire, montrer qu’il est possible de le faire). Cette vocation d’exemplarité est très bien perçue par ceux qui sont dans le groupe, moins bien par les autres.

Du point de vue de ceux qui ne font pas partie du groupe, la donne n’a pas significativement changé. C’est un problème auquel ils pensent occasionnellement (si on leur pose la question). Si tant est qu’ils aient conscience (occasionnellement) de l’existence de la petite minorité réfractaire à la viande, c’est en tant que… petite minorité, de groupe sans influence. Dès lors, le poids des facteurs :
- «que moi je change ou pas mon comportement n’a aucun effet»
- «changer a un coût pour moi»
reste prépondérant, et la maxime de prudence («Agis comme (presque) tout le monde») continue à dominer le principe d’universalité (« Agis de telle sorte que tu puisses vouloir que tout le monde fasse comme toi» ou : «Agis comme si tu avais le pouvoir de servir de modèle, le pouvoir de fixer la norme»).


On peut imaginer des situations qui restent bloquées de façon absurde. Chacun est d’accord pour faire X (ou n’est pas contre) si tout le monde fait X, et cependant chacun continue à faire le contraire de X parce que c’est la pratique dominante au départ.

Et la proposition d’abolition de la viande dans tout ça ?

Il serait frauduleux de la présenter comme la panacée qui permet de sortir des blocages absurdes du simple fait qu’elle a été avancée par quelques uns.

Au vu du sondage cité dans cet article du blog, on n’est peut-être pas si loin du seuil où, face à une consultation où on demanderait aux citoyens « Faut-il arrêter d’élever et de tuer des animaux pour la viande ? », une majorité répondrait oui. Ils répondraient oui, placés en position de déterminer le contenu d’une loi s’appliquant *à tous*.

Mais tout le travail reste à faire pour que la consultation ait lieu, ou que d’une façon ou d’une autre un projet de loi soit effectivement examiné. Et surtout : en amont, tout le travail reste à faire pour que le public juge crédible que la question va être posée, qu’il arrivera un moment (pas infiniment lointain) où la collectivité va devoir choisir entre continuer ou cesser la tuerie pour la viande, et que chacun a une réelle responsabilité dans ce choix.

Si cet horizon devient crédible, un nombre croissant de personnes seront incitées à prendre position pour oui ou non, à le dire, et se sentiront tenues de justifier leur jugement. Ce jugement devra obéir au principe d’universalité (difficile dans ce contexte d’exprimer des positions du type « tout le monde doit ramasser ses papiers gras sauf moi » ou « je suis opposé à ce qu’on m’oblige à ramasser mes papiers gras alors que les autres ne le font pas »). Il est probable aussi que si ce processus s’enclenche, la tension sera ressentie plus fortement en cas de contradiction entre le jugement porté et le comportement personnel, et qu’il en résultera une certaine incitation à la réduire. «On doit faire comme je dis et pas comme je fais» est une position dont on a conscience qu’elle passe mal. Et donc, si un nombre croissant de personnes expriment ouvertement la position jusqu’ici muette «je ne suis pas d’accord qu’il est normal que l’homme élève des animaux pour leur viande», il y aura aussi un nombre croissant de personnes qui limiteront ou supprimeront leur propre consommation de viande. La vocation d’exemplarité de telles attitudes deviendra plus évidente si le débat «pour ou contre l’abolition de la viande» a réussi à se faire une place dans la vie politique. Et la progression de ceux qui mettent les actes en accord avec les paroles aidera à son tour à renforcer la crédibilité d’une évolution vers l’interdiction de manger des produits d’origine animale.

On peut donc imaginer un cercle vertueux si le processus s’enclenche. Le plus difficile est de l’amorcer. Yapukalfer.

Dino Castelbou a dit…

La viande est le premier des terrorismes. C'est une attaque délibérée envers des animaux innocents qui ont commis comme "crime" de naître sous une forme non-humaine ; les animaux sont devenus des abstractions, des victimes de l'eugénisme (tous les animaux d'élevage sont consanguins...). Tolérer la violence, c'est être violent. La viande doit être abolie, car la viande n'est que de la violence. Celui qui ne respecte pas les animaux, ne se respecte pas lui-même. La viande ne fait pas seulement souffrir les animaux, mais les hommes qui respectent les animaux, et qui en vomissent de voir comment sont traités les sujets de leur affection par des robots-humains qui massacrent à la chaîne pour des robots-humains qui ont pour religion la zoophagie... car manger de la viande est une attaque envers les animaux et un manque essentiel de respect envers ceux qui voient en eux des êtres sensibles http://www.youtube.com/watch?v=v61js4NJn4A&feature=channel_video_title